Pour une sonate en ré majeur

Dès la fin du cours, je sortis rapidement, sans attendre quiconque, je n'avais décidément pas la tête à rire aujourd'hui. Je décidai de me promener dans les couloirs pour me vider la tête. Je passai alors devant une porte entrouverte. Ne sachant résister à ma curiosité, je passai la tête pour voir ce que cette pièce pouvait bien contenir. Mes yeux s'illuminèrent alors : j'avais devant moi une grande salle de musique, vide qui plus est. Mais ce ne fut pas ce qui attira mon regard.

Au centre de la pièce trônait un piano à queue blanc. Il ressemblait tant à celui sur lequel j'avais joué une fois, qu'inconsciemment, je m'en approchai, faisant courir mes doigts sur la surface lisse du dos du piano.

Comme hypnotisée, je m'assis sur le tabouret en face des touches noires et blanches. Tout dans cette pièce sonnait comme une invitation à reprendre du service. Je fermai les yeux. Posant mes mains sur le clavier, je souris. Cette texture familière des touches sous mes doigts n'avait pas disparu et sonnai comme un beau souvenir.

Je laissai alors courir sur les touches mes doigts blancs, jouant une sonate que j'avais apprise il y a longtemps. Sous mes doigts, les notes virevoltaient, dansaient, transformant cette simple salle de musique en un monde en ré majeur. Tout en jouant, je souris. J'avais presque oublié à quel point jouer était pour moi un bonheur.

Toute à mon morceau, je n'entendis et ne vis pas une personne entrer dans la salle.

A la fin du morceau, je fermai les yeux, comme pour savourer l'écho de la mélodie qui résonnait encore en moi. Je relevai la tête et ouvris les yeux.

Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je vis ...

J'étais très énervée. D'abord, il m'avait fallu voyager en train de nuit, chose que je déteste car je n'arrive jamais à m'endormir. Après une nuit blanche, j'avais pris un taxi complètement pourri pour venir ici. Le chauffeur passait son temps à lancer des blagues pourries qu'il trouvait à mourir de rire. Quand j'étais enfin arrivée, j'avais vu les élèves me jauger du regard surtout les garçons. Ils étaient visiblement surpris de voir débarquer une fille à l'air aussi jeune. Pas ma faute si je suis petite ! J'avais foncé au secrétariat en espérant échapper à leurs regards. Manque de pot, la fille qui s'était occupée de moi avait enfoncé le clou en m'appelant "ma petite". Et quand, en plus de tout, je m'étais perdue dans les couloirs, ça avait été la goutte qui fait déborder le vase. J'essayais de me calmer quand une musique me parvint. C'était une berceuse que maman me jouait quand j'étais toute petite. Ca m'a surprise de l'entendre ici. Guidée par les notes, je m'enfonçais dans le labyrinthe. Je vis une porte où il y avait écrit : "Salle de musique". J'entrai doucement. Une fille jouait du piano. Elle était belle ou plutôt, il y avait quelque chose en elle qui l'illuminait et la rendait belle. Je continuais à écouter, les larmes aux yeux tellement j'étais émue. Cela faisait si longtemps que je n'avais pas entendue cette musique. Et puis elle la jouait tellement bien ! Après avoir jouée les dernières notes, la fille leva la tête vers moi. Je ne me sentais pas trop mal à l'aise car pour moi cette musique avait été une invitation, je n'étais donc pas indiscrète. Du moins, c'est comme ça que je voyais les choses. Je commençait à parler, aimablement puisque la mélodie avait fait disparaitre ma colère.

-Bonjour. Je m'appelle Nausicaa et je suis nouvelle ici. Tu joues très très bien.

...Une jeune fille se tenait dans la pièce, visiblement très émue. Je fus surprise de voir à quel point elle était belle : de beaux yeux bleus, des cheveux à faire pâlir n'importe qui et une peau blanche, qui -quelle veinarde- lui allait très bien. Ma première réaction, si je l'avais croisée dans un couloir, aurait été de croire que c'était la soeur collégienne d'un élève du lycée qui venait rendre visite à son grand frère ou à sa grande soeur.

Mais le fait de la voir ici, des petites larmes à ces yeux bleus - avais-je précisé que je la trouvais terriblement jolie ? (elle me faisait penser à une actrice ou à une idole d'adolescents) - me donna la conviction qu'elle avait mon âge, conviction renforcée lorsqu'elle me dit qu'elle était nouvelle. Ce qu'elle dit ensuite me fit rougir violemment, ce qui ne me ressemblait pas pourtant. Je me ressaisis vite, et m'avançai vers elle, souriante.

- Merci beaucoup, Nausicaa, c'est très gentil de ta part. Je suis Raiko, et je ne suis là que depuis quelques jours. Tu as un très beau prénom, tu sais ? Dans quelle classe a-tu été nommée ? Seconde ? Première ? Treminale ? Si tu ne l'as pas encore fait, je pourrai te faire visiter les bâtiments, si tu le veux.

Me rendant compte de la tonne de questions que je venais de lui poser, je m'inclinai, confuse.

-Désolée ! Je te harcèle sans te laisser le temps de parler ! Pardon !! >////<

En me voyant, elle me parut très gênée et un peu surprise aussi. Elle n'avait pas dû m'entendre entrer. Ensuite, je pus lire de l'admiration dans son regard. J'eus un peu de mal à comprendre. Peut-être qu'elle admirait le fait que j'ais été aussi silencieuse ? Pas très vraisemblable. Je sentis une grosse larme couler le long de ma joue, tellement sa musique m'avait émue. En faisant semblant de remettre une mèche derrière mon oreille, je la séchai rapidement. Pas question d'offrir une image de pleurnicharde ! Je la vis rougir mais elle se reprit très vite et me sourit. Un très beau sourire, c'était ce que je trouvai de plus joli chez elle. Elle me parla ensuite très très vite, ne me laissant pas le temps de répondre. Elle dut s'en rendre compte car elle (ou plutôt Raiko, si j'avais bien compris), s'excusa en s'inclinant. Cela me parut bizarre mais je ne fit pas de commentaires. Je lui répondis lentement tout en la dévisageant pour guetter ses réactions.

-J'aime beaucoup mon prénom mais le tien est particulièrement joli je trouve. Il est japonais, non ? Je suis en seconde. C'est une chance car sinon, je t'aurais paru encore plus petite... Et je veux bien que tu me fasses visiter un peu cet endroit que je ne connais pas très bien.

Je souris. Elle ne se rendait pas compte de la chance qu'elle avait de m'entendre plaisenter sur ma taille. C'est un sujet sur lequel je suis extrèmement suseptible d'habitude. Mais cette fille faisait une sorte d'anesthésiant à ma colère. En attendant ses réponses, je branchai ce que j'appelai mon sixième sens : mon pouvoir de détecter les mensonges...

Je fermais les yeux un bref instant et quand je les rouvris, je sentais chacune des paroles qu'elle prononçait vibrer dans mon corps. Elle trouvait vraiment que j'avais l'air enfantin mais que je raisonnais comme une adulte. Elle ne me mentait pas, bon point pour elle. Je mourrais d'envie de lui demander son pouvoir mais je me souvenais de ce que mon père m'avait dit : il fallait être discrète. Cet endroit était spécialisé dans les gens "spéciaux" mais il y en avait aussi qui n'avaient aucuun pouvoir. Et puis, elle me retournerait sûrement la question et je préféras garder mon pouvoir secret. Ici, le mystère dont je saurais m'entourer serait mon meilleur atout.

-Deux questions... Où as-tu appris cette musique ? Et... Peux-tu me montrer les salles de cours ?

Je lui souris mais je la sentais nettement frissoner. Certaines personnes étaient particulièrement sensibles à mon pouvoir, elles le ressentaient vraiment. Espérons que cela ne la fasse pas fuir...

Réfrénant un deuxième frisson, je lui répondis, un peu génée.

- Eh bien ... A Tokyô, j'ai commencé à prendre des cours de piano à mes 8 ans ... Par contre, cette musique, c'est assez flou ... Je l'ai apprise il y a bien 5 ans, et j'ai tellement changé de professeurs ... D'après ce dont je me souviens, c'était pendant les vacances que j'ai passé en Amérique, chez mon père, qui n'habite pas très loin d'ici. Tout ce que je sais, c'est que c'est un de mes morceaux préférés, comme tu peux le constater, achevais-je en montrant le beau piano qui trônait au centre de la pièce.

Je plongeai dans mes souvenirs quelques secondes, les yeux dans le vague. Chassant mes souvenirs en secouant la tête, je me rendis compte qu'elle m'avait posé deux questions. (Et oui, on est douée ou on l'est pas, Raiko ... -_-'')

- Euuh... Et pour les salles de cours, il n'y a pas de problème, dis-je en me passant la main derrière la tête, gênée de l'avoir fait attendre avec mes flash-backs à deux balles.

J'avais respecté son silence mais je commençais à m'impatienter un peu. Elle ne s'était pas rendu compte qu'il y avait deux questions ou quoi ? Elle sortit finalement de ses pensées pour me répondre, visiblement génée de m'avoir fait attendre.

-Génial ! On y va maintenant ? Enfin, si ça ne te gène pas...

Je la bousculais sûrement un peu trop, c'était sûrement pour ça qu'elle mettait autant de temps à me répondre. Après un petit signe de la main qui montrait que ce n'était pas pressé, je me plongeais moi aussi dans mes pensées. Je trouvais son histoire bien moins banale que la mienne ! Et en plus, tout était vrai... J'aurais bien aimé avoir moi aussi deux cultures. Et savoir jouer du piano aussi bien qu'elle. Enfin, j'avais déjà pris des cours et en voyant le résultat, ma mère avait décidé que je n'irais plus. Elle ne m'avait pas demandé mon avis mais ça ne m'avait pas traumatisé. J'étais vraiment nulle... C'état peut-être pour cela que j'avais été aussi émue. Ce qui me tracassait, c'était que je voulais vraiment savoir si c'était une descendante de Shannon. Mais je ne voyais pas comment la faire discrètement....

-Bien sûr que ça ne me gêne pas ! Je .. euh ... juste le temps de tout laisser comme c'était avant que j'arrive et je te fais visiter, pas de problème ^^

Je ne sais pas pourquoi, mais le fait de me sentir observée ne me mettait pas à l'aise, et comme chaque fois que mes émotions prennaient un peu le dessus ... mon pouvoir-ou devrais-je dire ma malédiction- m'échappa.

Et arriva ce qui devait arriver, une flûte posée dans un carton derrière Nausicaa se mit à voleter doucement en dehors de son réceptacle, s'arrêtant, suspendue en l'air, juste au dessus du carton.

Kuso ! Je priai pour qu'elle ne se rende compte de rien, car sinon, au train ou ça allait, mon secret risquait d'être dévoilé à tout le lycée ! Quelle galère ...

Je tentai de me calmer en respirant calemenent, mais la sensation d'être épiée revenait sans cesse et nouait mon estomac et m'opressait, ce qui ne m'aidait pas sincèrement...

-T'inquiètes, prends ton temps...

Je la suivis du regard pendant qu'elle rangeait des instruments. Elle prenait des objets, les reposait, manquait trébucher sur l'un d'eux... Je finis par comprendre que c'était mon pouvoir qui la mettait mal à l'aise. Je pensais l'arrêter quand je vis Raiko devenir encore plus blanche qu'elle ne l'était. Elle fixait un point derrière moi... Je pris le parti de ne pas me retourner mais je me posais quand même des questions. Que se passait-il derrière mon dos ? Nonchalamment, je fis quelques pas en arrière en tâtonnant derrière moi. Il n'y avait rien, à part un vieux carton. Je jetai un rapide coup d'oeil pour vérifier mais je ne vis toujours rien. (La flûte est au-dessus de sa tête comme elle est toute petite ^^). De plus Raiko s'était détournée même si elle semblait toujours oppressée. Lentement, je me "déconnectai" d'elle. J'avait décidé de lui faire confiance. Après tout, elle n'avait pas une tête à mentir.

Oh mon dieu ! Et maintenant, je la voyais se reculer, et se positionner pile sous la flûte ! Je n'osais même pas imaginer ce qui se passerait si mon pouvoir m'échappait encore une fois et que la flûte lui tombait sur la tête ...
Soudain, je sentis que la sensation d'être observée diminuait progressivement, et je pus respirer plus calmement. Mais le plus dur restait à faire ... J'avais réussi à faire voler des petites branches, mais pas une flûte ...
Je sais pas pourquoi, mais je le sentais pas bien ...
Alors que je reprenais contrôle de la flûte, j'angoissai. Je n'y arriverais jamais ! Soudain, comme répondant à ma peur, une autre flûte, qui venait du même carton, commença à voleter pour rejoindre la première, semblant me narguer.

Je retins mon souffle lors de toute son ascension et frôlai la crise cardiaque lorsque cette flûte passa si près des cheveux de Nausicaa, que je vis une mèche de ses cheveux bouger.

Oh non !!!! O.O

[Désolé pour le retard...]

Raiko était vraiment bizarre ! Elle continuait à sembler nerveuse bien que j'ai "désactivé" mon pouvoir... Ses yeux me fixaient et je commençaias à me sentir mal à l'aise. Que se passait-il ? Je sursautais en sentant quelque chose me frôler les cheveux. Je commençais sérieusement à angoisser...

-Je... Je vais t'attendre dans le couloir...

Je reculai lentement puis me retournais. Des flûtes qui volaient ?! Très vite, je baissai les yeux en faisant semblant de n'avoir rien vu. J'eus un petit sourire. Elle devait maitriser la télékinésie. C'était bizarre d'aileurs pour une fille... Mais maintenant, je comprenais mieux. C'est juste qu'elle ne sait pas contrôler son pouvoir et qu'elle a peur que je le découvre... Il faudrait que je lui dise qu'elle n'a pas à se faire de soucis là-dessus. Après tout, moi aussi je suis quelqu'un de pas très normal... Je sortit dans le couloir en ignorant les flûtes. Pas le moment de la géner...

[ce n'est pas grave, ne t'en fais pas ^^]


Ouh ! Mais c'est que j'en avais de la veine, moi !! O_O Elle s'était retournée, disant qu'elle m'attendrait dans le couloir. J'avais (de nouveau) frôlé la crise cardiaque, lorsqu'elle s'était retournée, mais elle n'avait apparemment rien vu ... Quoi que, j'avais cru voir un mince sourire flotter sur son visage quelques instants. Se pourrait-il que ... Je décidai, moi aussi, de faire comme si de rien n'était, et me calmai alors qu'elle sortait dans le couloir.

Les flûtes tombèrent d'un coup dans leur carton, faisant un sacré boucan. Bon, tant que je n'avais pas fait voler le piano, c'était pas si grave ... Enfin bref.

Je sotis à mon tour, lorsque la sonnerie retentit, nous surprenant toutes les deux. Génée, je lui dis :

-Euuh ... désolée mais je dois y aller, j'ai un cours d'Espagnol, là ... Mais mon offre tient toujours, on n'a qu'a se retrouver dans un couloir, et je te ferai la visite ... Sauf si tu es au même cours que moi ... Dans quel cours te rends-tu ?

-Normalement, je devrais aller aussi en cours mais comme je n'ai pas encore reçu officiellement mon emploi du temps, je pense que je pourrai faire une exception.... Les profs seront sûrement plus indulgents avec une petite nouvelle, non ?

J'eus un sourire moqueur. Raiko ne le savait pas mais mon pouvoir de persuasion était grand... Même si ça m'empêchait de mentir, j'aimais de plus en plus mon don. En attendant, elle devait partir pour ne pas être en retard. Je me dépêchais donc de finir.

-Ecoute, dis-moi le numéro de ta salle, j'irais te retrouver devant. En attendant, je vais essayer de trouver ma chambre toute seule... Au fait, tu veux bien être ma colocataire ?

Je fis ma spécialité : ma moue de chien battu par son maitre, affamé et qui va passer la nuit dehors alors qu'il neige. ^^ Espérons qu'elle soit convaincue...

- Alors, pour mon numéro de salle, c'est la salle d'Espagnol, donc la numéro... 214 (on va dire >.<) On se retrouve dans le couloir devant, alors ? Cool ^^ Et pour ta chambre ...

Je lui tendis mes clefs.

- C'est la numéro 7, dans le couloir au fond du bâtiment. Bon courage, à tout à l'heure !! =D

Et sur ces mots, je partis en courant à mon cours d'Esapgnol, agitant la main. C'était génial, je venais déjà de me faire une deuxième amie ! J'étais aux anges.

Son petit sourire, cependant, me travailla. Etait-elle ... spéciale ? Ou au courant ?

En tout cas, j'attendais avec impatience cette petite visite.